Boiser et planter des haies pour piger les nitrates (34)

Blé, melon, arboriculture, viticulture… la plaine située entre Montpellier et l'étang de l'Or est un vaste espace de production agricole, aux portes d'une zone urbaine. Cette plaine comprend une nappe peu profonde, très productive et facile à capter. Revers de la médaille, elle présente également depuis plusieurs décennies des concentrations en nitrates et pesticides particulièrement élevées conduisant, durant les années 90, à son inscription en zone vulnérable aux nitrates et, à la suite de la Directive-cadre sur l’eau du milieu des années 2000, au classement en captages prioritaires pour 8 des 10 captages publics d’eau potable. Ces forages servent à la production d’eau potable après traitement. Le constat est similaire sur les cours d’eau et les étangs du secteur, qui sont déclarés en zones sensibles à l’eutrophisation. Ces constats perdurent, malgré les efforts de réduction des pollutions domestiques et d’évolution des pratiques agricoles, prônées via les programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole établis à l’échelle départementale et, depuis une douzaine d’années, via l’animation territoriale s’appliquant à l’échelle locale.
Éviter les pollutions plutôt que de les diminuer
Le Pays de l'Or (45 000 habitants permanents et plus de 200 000 résidents en période estivale) a donc choisi de prendre une nouvelle direction pour son deuxième plan d'action de reconquête de la qualité de l’eau de la nappe (2021-2027) : « Plutôt que de chercher à diminuer les pollutions, nous affectons le plus gros du budget et du temps d’animation pour les éviter à proximité directe des captages. Des actions d’accompagnement à la réduction des pollutions pourront être menées sur le reste des aires d’alimentation de captages, mais elles sont moins prioritaires », souligne Laure Ruynat, animatrice agro-environnementale au sein de la communauté d’agglo. Au plus proche des captages, acquisitions foncières, installation de cultures à bas niveau d’impact - éloignement des serres de maraîchage…- permettront ainsi de sécuriser les forages pour espérer atteindre d'ici 2027 un bon état de la masse d'eau. Parmi les nouveaux projets, l'agglomération vient de réaliser un boisement de 3,4 hectares et des plantations de 2,2 km de haies autour de 2 captages : le Bourgidou, classé prioritaire, sur la commune de Lansargues, et Bouisset sur celle de Valergues.
Boiser pour filtrer l'eau « à la source »
« La solution consiste à planter des arbres à croissance rapide et à système racinaire profond qui vont venir capter l'azote dans la nappe d'eau », précise l'animatrice. Dès 2019, l'agglomération missionne un groupe d'étudiants ingénieurs agronomes pour concevoir le projet de plantation : densité, choix des espèces, maturité des plants… Elle affine ensuite le projet en se concertant avec la Chambre d'agriculture de l'Hérault, les agriculteurs riverains des captages, les élus communaux, une société coopérative et participative (Scop) d’agroforesterie, l’association Paysarbre et le Conservatoire national de la propriété forestière. « Ces échanges ont été précieux. Ils nous ont notamment permis d'affiner le choix des espèces plantées et de repérer le risque rongeurs. » Une mission de maîtrise d’œuvre a finalisé le projet en 2021.
Un suivi sur 3 ans
L'agglomération choisit de boiser sur des terrains publics en friche lui appartenant déjà pour la plupart, ou appartenant à la commune de Valergues. « C'était une solution pour agir rapidement, sans soustraire des terres à l'usage agricole, alors que nous sommes déjà dans un contexte de forte pression foncière », précise l'animatrice. Le projet a donc nécessité un gros travail de préparation des terrains, dont l'enlèvement d'anciens plastiques agricoles, qui a fait grimper la facture du projet. L'agglomération a aussi organisé un furetage avec la société de chasse locale, pour diminuer les populations de lapins qui auraient pu mettre en péril les plantations. « Nous avons aussi fait le choix d'intégrer un suivi de la reprise des plants forestiers sur 3 ans : c'est l'assurance de la pérennité. » Au final, l'agglomération débourse 155 000 € pour ce projet de boisement, dont 76 % en autofinancement (lire ci-dessous « L’opération en chiffres »).
L'agglomération boise aussi pour renforcer la biodiversité locale. 15 espèces locales composent les boisements, choisies sur 3 strates de hauteur et pour une floraison la plus étalée possible dans le temps : tilleul, charme, aulne, érable, cornouiller, noisetier… « Nous avons demandé à l'entreprise de boiser de manière aléatoire en mixant les espèces, une méthode dont ils n'avaient pas l'habitude ! », note l'animatrice. Deux classes de primaire ont été associées à la plantation : « Je recommande vraiment de le faire : les enfants sont heureux d'agir concrètement ; on peut aussi espérer qu'ils soient ainsi sensibilisés à la préservation des lieux ». Au-delà de l'usage environnemental de ces boisements, l'agglomération compte ouvrir ces espaces à un usage récréatif : ils se situent en bordure d'un chemin de promenade, très fréquenté. « Nous allons installer des panneaux explicatifs de communication pour le grand public. »
L'agglomération n'envisage pas dans l'immédiat d'autre boisement de ce type : « Compte tenu de la pression foncière, retirer des terres à l'usage agricole pour les boiser fait débat. Nous attendons d'avoir un vrai retour d'expérience et l'impact concret de ces deux projets avant d'aller éventuellement plus loin ». Par contre, le Pays de l’Or pense accompagner des projets de plantations compatibles avec un usage agricole (agroforesterie, haies…). Ils se feront dans un premier temps sur les 15 hectares dont l’agglo est propriétaire et qui sont confiés en fermage à des agriculteurs.
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